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Voleuse de Ciel Bleu

Voleuse de Ciel Bleu
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17 juillet 2010

Mon Horloge (nouvelle)

L'horloge s'est brutalement arrêtée. Un soir pluvieux, je ne sais plus trop.
Les aiguilles se sont évanouies, à présent, je ne vois plus que ces gros chiffres calligraphiés...
Plein de noir et pourtant vides.

Ces murs qui m'emprisonnent, et qui me retiennent ; ces plaies, tous ces maux dans lesquels je me suis confortée, bien que j'ai tout "ou presque" tenté pour les quitter... Enfin je crois. Je ne suis sûre de rien en ce qui me concerne. Tout ce qui me façonne me semble si flou, et ce qui me fascine me parait alors si loin.

Je crains l'Amour, j'en ai cependant plus qu'envie, et la peur de souffrir "je crois" me terrifie plus encore.

L'horloge me semble brisée depuis plusieurs années déjà. J'ai installé, ci et là, des froufrous, des dentelles, pour déguiser l'absence et noyer la poussière. Pourtant, je ne peux dissimuler ce qui subsiste en moi et chaque matin, l'horloge "de ma maison" me fixe de son cadran vide.



1
C'était une journée semblable à chacune. (...) L'esprit bleu comme un après-midi d'été, je m'en allais rêver parmi mes fables, mes poèmes et dessins... Rien ne perturbe cette Euphorie.
C'est, pour ainsi dire, un Bonheur de Dentelle, inébranlable, intense de par ses courbes, délicat et pourtant si solide. Il est un rêve, une vraie force, une joie ineffable qui grandit en moi.
Assise dans l'herbe, quelle délectation de contempler la nature, de la façonner à même le papier, la sentir vivre en moi...
Le portable éteint, allongée parmi les fleurs, mon coeur s'est envolé tel une montgolfière pour épouser les nuages....

"Plus haut, plus haut... De quoi as-tu peur ?
"Je ne sais pas, de moi peut être...
"Ne crains pas...
"Mais Monsieur, mon horloge est toujours brisée...

Le sommeil me caresse et m'envoûte.
Des Arbres à pluie frôlent mes pieds nus de leur eau. Leur feuillage transparent est une eau pure, et de leurs racines encrées dans les nuages, naissent de divines fleurs rosées à la senteur exquise.

"Prend une fleur mon enfant, et colle-la à ton coeur. Elle éclairera ton Horloge de douceur."

Je suivis son précieux conseil, un pincement aux lèvres.
"C'est que Monsieur, pensais-je, une seule fleur ne suffira pas..."



2
Un soir gris de mai, j'ai couru sous la pluie. Rien ne pouvait éteindre ma frénésie. Ma peur de mourir, était telle, que je sentais cogner en moi "ce vide", qui me remplissait "chaque jour" un peu plus.
La forêt et ses arbres immenses n'auraient su me pétrifier et m'empêcher d'atteindre mon but.
J'avais décidé d'en finir. Seule.
Car il y a bien longtemps que je me sentais seule.
Le vent semble me traverser tandis que je vous parle. C'est un vent doux, marin et glacé. Une tornade blanche et opaque.
Mon esprit embué ne s'exprime plus très bien à présent. Il est plus sage que je taise "pour une fois" cet enfant. C'est le corps trempé, et l'âme emmitouflée "dans mon monde", que j'ai pénétré chez l'horloger.

Des étoiles de verres et de papiers accrochées à mon coeur décousu, et autant de rêves d'Amour qui m'apparaissaient abstraits car inconnus. Tic-tac.

L'odeur du vieux bois réconforta mon corps qui frissonna. "Quelque peu" intimidée, je me suis avancée vers le comptoir où luisait la grosse sonnette dorée. J'avais si froid.

Un homme âgé se présenta à moi. Sa voix chaude et douce me rassura.
Il avait les mains qui réconfortent, qui réparent, soignent, celles auxquelles j'aspirai tant pour mes longs soirs d'hivers.

Tic-tac... Tic-tac...
Tic - Comptant la pluie sous mon oreiller,
Hier j'ai recueilli mes heures cassées,
mes souvenirs...

Tic-tac Tic...
Bouquets de soucis et perles de rosées,
Fleurissent à mes pieds,
Pour que s'endorment mes sourires...


Les horloges tintent autour de moi, telles des coeurs à l'unisson. Des sourds, des guillerets. Des tristes, des paniqués. Graves et ludiques. Mais "tous" bien à l'abri de la pluie.



"Laquelle désirez-vous ? me chanta l'horloger sous ses épaisses moustaches blanches."
Je n'ai pas de mot pour décrire ce que je ressens. Je ne peux ouvrir mon antre pour dévoiler mon coeur. Aussi posais-je mes mains sur ma poitrine, et lui dis-je :

"Monsieur l'horloger,
J'ai bien de la peine,
Voyez-vous, je crois bien qu'il est cassé,
Mon coeur...
J'ai vu son cadran brisé,
Et sa lumière s'éteindre
Alors que je songeais
A mes sourires lointains...

Monsieur l'horloger,
J'ai bien de la peine,
Voyez-vous, je crois bien qu'il est cassé,
Mon coeur...
J'ai senti tomber ses aiguilles,
s'envoler ses heures,
Alors que je rêvais à mes plaisirs défunts...

Depuis je ne l'entend plus chanter,
J'ai perdu sa clef.
Saurez-vous me le réparer,
Monsieur l'horloger,
Ou demeurera-t-il à jamais scellé ?

J'ai bien peur,
Monsieur l'horloger,
je crois qu'il ne sait plus aimer,
Mon coeur, Monsieur,
Est brisé."


Il posa sa main chaude sur mon coeur endolori. Et, me souriant, mes chuchota doucement :
"Viens avec moi."
Il m'entraina au fond du magasin, là où l'on entasse ressors, morceaux de fer et de cuivre, sons et machines. Un jeune homme, les mains noires de cambouis, m'adressa un regard grave. Je compris aussitôt que mon cas était épineux. Celui-ci me saisit la main, comme pour en vérifier la tension ou la mélodie, ausculta mon poignet puis remonta mon bras, l'air perplexe et dubitatif tel un médecin soucieux.

Lorsqu'il atteignit "mon coeur", sa stupeur me bouleversa. Il rangea dans sa grosse malle, sa lanterne et ses éprouvettes, ses tournevis et ses chaines, et s'avança à moi, les mains vides.

"Mademoiselle, vous...
Il semblait chercher ses mots.
"Depuis quand votre coeur ne... chante-t-il plus ? me demanda-t-il alors interdit.
"Je ne saurai vous dire, Monsieur, me confondais-je, depuis plusieurs nuits en tout cas...

Il m'adressa une grosse note de musique blanche, qu'il avait sortie d'une poche de son tablier.
"Lorsque vous serez au calme, Mademoiselle, prenez un thé bien chaud et avalez cette note blanche. Cela picotera légèrement dans votre gorge, ou dégagera une légère amertume. Plus tard, vous sentirez votre coeur plus solide."

Tout en caressant la note chaude et douce, je lui demandais curieuse :
"Pourquoi blanche, Monsieur ?
"Une note blanche dure plus longtemps, me répondit-il professionnel.


Lorsque j'ai quitté la boutique, la pluie avait cessée. Un soleil timide brillait au-dessus de la ville. Le vieil homme et l'ouvrier m'accompagnèrent au perron et m'indiquèrent attentifs :
"Soyez prudente Mademoiselle.... Votre coeur a besoin de repos."




3
Quand le soleil se coucha au loin, que je fus seule au creux de mes draps, j'ai senti
mon corps se réchauffer...
L'espoir "mécanisme de balancier" semblait tressaillir dans ma poitrine.
Je n'entendais pas l'Amour, "ni ses aiguilles", mais la chaleur, "le moteur" était là.
Se pourrait-il qu'elle renaisse, l'Horloge de ma cuisine ?

Plusieurs jours passèrent, et la Lune brillait à nouveau.

"La lune, c'est déjà un soleil, même s'il est de l'autre côté, même si on le voit à l'envers."

Je nourrissais avec douceur, la fleur et la note en mon coeur,
toutes ces étoiles qui m'ont été offertes,
ces tendresses qui réparent,
et donnent des couleurs, des senteurs et mélopées à ma Vie.

Les nuits noires encrées d'ombres étranges m'apparaissaient moins sombres.
La chaleur me berçait chaque soir, jusqu'à ce que m'enlève le sommeil.

"Laisse faire le vent, il ramènera à ton Horloge, ses aiguilles..."



4
L'horloger m'accueilla à nouveau de son beau sourire le lendemain. Il observa ma main avec sa petite lampe, caressa mes doigts et écouta ma poitrine.

"Vous semblez aller mieux, Mademoiselle, m'annonça-t-il guilleret.
"Alors, suis-je guérie ?
"Il est encore trop tôt pour le dire, ces choses là prennent du temps Mademoiselle. Votre coeur est, encore bien fragile, vous ne devez en aucun cas le brusquer."

Le vieil homme rangea ses outils dans un tiroir vermoulu du bureau.

"Pouvez-vous m'aidez à réparer mon coeur ? Vous l'avez soigné, et je vous en rend grâce, mais sauriez-vous le guerir ? insistais-je émue."

Le sourire de l'horloger s'éteignit alors. Il s'avança à moi, et d'une voix douce, me dit :

"Nous ne réparons pas ces machines là, Mademoiselle. Votre coeur n'est pas seulement une horloge.
Vous devez comprendre et grandir. Il vous faut vous fortifier, et avec le temps "et l'Amour" vous saurez cueillir au vent vos aiguilles...

Il désigna les pendules en bois vieilli qui ornaient sa vitrine.
"Vous n'êtes pas une machine Mademoiselle. Certes, votre coeur a besoin d'un moteur, cette chaleur vous la nourrissez. Mais nous ne pouvons vous guider sur vos choix, votre raison. Le temps et des aiguilles vous appartiennent désormais."

Je souhaitais lui demander une "seconde note" de tendresse, pour avoir un peu plus chaud.
Mais il comprit aussitôt lorsque je me suis lovée dans mon pull blanc, et, refusa d'un sourire clément :
"Vous n'aurez pas toujours vos chemins bordés de fleurs, chère enfant. Afin de préserver votre coeur, vous devrez apprendre à savoir vous en passer. Ou vos aiguilles ne vous reviendront jamais."



5
Des gouttes de pluie au plafond, une valise de vide à la main...

"Avancer seul et faire face au vent avec le sourire"
C'est pourtant ce que je fais...
"Le temps effacera et construira ta Vie"
C'est pourtant ce que je me dis...
"Et rendra à ton horloge ses aiguilles..."
Alors pourquoi me sens-je si seule ?

"Tu n'es pas seule, petite fleur..."
Pourquoi ma vie me parait-elle si triste ?
"Ta vie n'est pas triste..."

Pourtant, j'entends tinter la pluie,
inlassablement,
le jour comme la nuit,
même si
je souris...

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